mercredi, mars 29, 2006

Ainsi s'achève la migration

Et qu'on ne parle plus d'ailleurs, d'autrefois.

La raison pour laquelle ce qui suit est si long et ennuyeux, c'est que je voudrais que personne ne le lise

Les étudiants sont en lutte. On appelle à la grève nationale. Il y aura une nouvelle manifestation cet après-midi à Paris. Y être ou pas ? Dilemme.

Pourtant, adorateur éternel de mai 68, comment pouvoir ne pas y être ? Rester à l’écart, à bouder dans un coin, ne serait-il pas le renoncement de trop ? Lors du ‘grand mouvement’ de 1995, quand on se disait défendre non seulement les régimes spéciaux de retraite des agents de la SNCF, mais bien une certaine idée de la France, n'étais-je pas là? Qu’est-ce qui aurait donc changé dans les années suivantes ? A chaque génération sa révolte !

Le CPE est une mauvaise réforme, cela semble acquis du moins. Les sondages indiquent que les Français y sont majoritairement hostiles. Les commentateurs, même ‘pro-réforme’, expliquent qu’il a été mal conçu. On a eu largement le temps pour comprendre le langage de dénonciation qu’il convient de manier à son égard, selon le contexte et en fonction de son interlocuteur, ce langage pouvant aller du plus technocratiquement raisonnable (c’est une réforme à côté de la plaque) au plus moralement emporté (c’est une réforme qui stigmatise les jeunes). En n’oubliant surtout pas la condamnation fédératrice du vulpin Villepin, ambitieux contempteur des formes démocratiques ...

Mais qui est ce ‘on’ ainsi désigné ? Non pas les étudiants eux-mêmes, qui grâce à leur innocence non encore corrompue, l'innocence de l'engagement civique, n’ont pas besoin d'apprendre le bon langage à tenir, car ils se trouvent naturellement du côté du Vrai. Etant également très spirituels, ils savent faire des trucs ludiques, genre se saisir des trois initiales incriminées pour leur donner d’autres significations. Ce ‘on’, ce n’est pas eux, c’est tous nous autres, nous qui ne sommes plus des étudiants, qui n’avons plus l’âge d’être directement concernés par le CPE, qui avons surtout loupé notre révolution quand le tour était à nous. Ce 'on', bref, c'est moi.

Alors, oui, je voue aux gémonies cette connerie particulièrement exécrable. Oui, je veux bien me mettre du côté du Vrai, du sympa (qu’une ‘manif’ soit sympa s’entend dans l’abrègement même du mot) et des étudiants ‘poussières’ (1). Oui, j'ai envie de me montrer un non-abusé de cette non-réforme proposée. Il m'arrive, à moi aussi, à me vouloir à nouveau dans la politique-rêve, tout adonné à ‘la joie partagée, à l’ironie constante, et à l’allégresse libératrice qui signifient que nous ne nous laisserons plus acculer au désespoir par les marchands de mort qui régentent nos existences’ (2) !

Or, c’est peut-être le triste destin du dernier objet de politique-rêve auquel j'ai pu adhérer, piétiné un soir de mai, un mai bien plus récent que 68 celui-là, sous les pieds de certains de ceux qui les mettrons à nouveau en marche aujourd’hui (3), qui amène la réflexion suivante. A savoir, qu’il faut savoir en fin de compte quelle forme de politique on veut. Une politique qui consiste à vouloir crier son ‘non’ contre tout, parce que 'l'intelligence, c'est savoir dire non', ou qu'il y en a marre, ou simplement en acte de pénitence pour avoir voté stupidement (voire pas du tout) quelques années auparavant; ou bien une politique qui reconnaît qu’il y a en démocratie une autre légitimité que celle de la seule rue. Qu’un gouvernement de droite fasse une politique de droite, quoi de plus normal, si ce n’est qu’on remplace ce gouvernement par un autre, mais non pas de droite bien entendu, en votant un peu plus intelligemment la fois prochaine ?
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(1) Selon l’expression de deux ‘chercheurs’ dans un Rebond de Libération, ‘Universités, usines à précarité’: ‘A nous tous, la masse des précaires et des marginalisés, ce qu'on signifie, c'est que nous ne sommes rien, nous sommes superflus, interchangeables et éjectables. Nous sommes la poussière de la société : vulnérables aux caprices du vent et aux coups de balai. Nous sommes des résidus sur lesquels les dominants peuvent marcher et cracher sans souci.’ Ouvaton, en effet !

(2) Daniel Bensaïd et Alain Brossat, dans un autre Rebond de Libération, ‘Un élixir de vie et de vitalité combattante’.

(3) J'écris cela en cadeau pour permettre que l'on m'accuse de confondre des choses qui n'ont rien à voir ...


[C'est déjà hier.]

Et le silence se fit

Du 9 au 28. Blame it on the Grim.

The Simple K ...

K ...

K ... qui est tout à fait charmante
K ... qui se dit moyenne
K ... que je suis fier de compter parmi mes amis
K ... que je ne connais pas
K ... que j'ai hâte de retrouver
K ... que le Saint Valentin a stupidement négligée
K ... qui m'embrasse tendrement
K ... qui fait courir un tsunami le long de mon dos
K ... qui est heureuse pour mon dos
K ... à qui je souhaite tout le bien qu'elle m'a souhaité
K ... à la tête dans les étoiles, K qui tutoie la lune
K ... qui se dit en toute simplicité
K ... ki dit aussi "la connerie chez toi c'est une maladie"
K ... qui a fait les soldes mais n'a rien acheté de soldé
K ... qui m'aurait accompagné dans cet enfer-là
K ... dont la robe est ouverte sur le paradis
(C'est un mot d'Aragon)
K ... pour qui je craignais de craquer
K ... que cela n'aurait pas dérangée
K ... à qui j'ai dit "T'inquiète! je ne le ferai quand même pas!"
K ... qui appréhende une prochaine échéance
(J-16!)
K ... à qui à nouveau je dis "T'inquiète! tu ne seras quand même pas si vieille!"
K ... dont je tais ici le prénom
K ... dont je dirai pourtant que son prénom est entouré de roses
K ... qui pense à toi
K ... qui pense parfois aussi à moi
(Mais bien moins souvent, et c'est normal)
K ... à qui je pense
(La preuve)
K ...
Je pense à toi !


[C'était donc J-16, et on est aujourd'hui J+4]

Monogamy is bad for the soul

La scène se passe à Londres, au grand amphithéâtre de la "Royal Geographical Society" où 770 personnes sont venues écouter se débattre la "motion" du mois. Six invités prendront la parole ce soir, et ils sont divisés en deux équipes, l'une qui est pour, et l'autre contre, la motion. Chaque "débatteur" parlera une dizaine de minutes, en déployant tous ses talents d'orateur, pour essayer de convaincre le public de voter dans le sens préconisé par son équipe. Le vote aura lieu en fin de soirée, après que des membres du public auront eu eux-mêmes la possibilité de s'exprimer brièvement sur le sujet et d'interroger les débatteurs sur ce qu'ils ont dit. Les débatteurs jouissent tous d'une certaine notoriété -ce sont des journalistes, des écrivains, un philosophe- mais au-delà de cela, chacun a été choisi pour le rapport privilégié qu'il entretient avec le sujet, soit qu'il ait déjà eu l'occasion de s'exprimer là-dessus, soit que son implication prenne une forme plus "intime".

La tradition du débat "récréatif" est ancienne dans les pays anglo-saxons, et des concours ont régulièrement lieu, notamment au niveau universitaire. Mais depuis quelques années, ces débats organisés mensuellement dans la capitale remportent un succès surprenant. Les motions retenues sont souvent d'une forte actualité, les intervenants des spécialistes de la question. Mais l'essentiel, c'est que l'on s'amuse. On prend plaisir à écouter des arguments parfois inattendus, exprimés avec panache et passion, dans un contexte de concurrence oratoire. Il y a un côté théâtral à tout ça, les débatteurs se mettent en danger par leur performance, et on leur accorde une qualité d'écoute qui est rare par ailleurs. Et vu que nous sommes à Londres, la discussion se prolonge longtemps après la fin officielle du débat, dans les divers bars où tout le monde se précipite...

Le débat de ce soir-là portait sur une motion singulière, et la discussion fut particulièrement divertissante:

"La monogamie nuit à l'âme"

Mais pourquoi est-ce que je pense à tout ça aujourd'hui, et qu'en plus je vous en entretiens, vous qui passez ici? La raison circonstancielle, je la tairai, car elle n'a aucun intérêt. Mais ce qui en aurait bien plus, c'est que vous vous manifestiez, ô mes milliers de fidèles mais surtout très discrets lectrices et lecteurs, pour donner vos propres idées et avis sur cette question délicate de la monogamie et l'âme. Mais avant de le faire, veuillez noter bien que ce dernier mot s'écrit avec un "m", pas un "n": le contraire serait un tout autre débat ...

Je vous attends nombreux et brillants!


[Le 2 mars, c'était le texte ci-dessus. Quelques jours plus tard, des précisions lui furent apportées, et c'était le texte ci-dessous.]


False friend

En guise de correctif à apporter au dernier billet, il conviendrait de préciser que le mot anglais "monogamy" s'emploie couramment d'une manière bien moins restreinte que son homologue français. En effet, il dénote "la pratique d'être marié à, ou d'avoir une relation sexuelle avec, une seule autre personne (à un moment donné)". Cette acception est certes critiquable du point de vue étymologique, mais elle est devenue celle qu'entendent la plupart des gens quand ils utilisent ce mot.

D'où l'ambiguïté fatale de l'énoncé de la motion, "Monogamy is bad for the soul", et la très évidente confusion quant aux vrais enjeux qui régnait lors du débat. S'agissait-il d'une pratique qui s'oppose à celle de la polygamie? ou à celle de l'adultère? ou à celle de l'"amour libre" et des relations "ouvertes"? ou à celle de l'infidélité à son partenaire (à qui on n'est pas forcément marié)? ou à celle du divorce (un des intervenants soutenant que le sens exact du mot est "l'institution d'être marié à une seule autre personne pour toute sa vie")? ou à autre chose encore ...? Une confusion qui n'a pas empêché que soient prononcés des discours divertissants, mais que le sujet soit réellement éclairci, peut-être bien.

Et qu'il soit repris sur cet "espace" (qui n'en est pas un) comme je vous y avais pourtant invité? (Oui c'est à vous que je parle !, à vous tous, ô milliers d'utilisateurs francophones de cette ... chose.) Mais alors, quelle autre explication trouver, que cette différence d'usage entre mots français et anglais, à ce que du nombre considérable de lecteurs qui ont pu lire cette note, aucun n'ait été suffisamment motivé pour y apporter son moindre grain de sel ?! Pour clamer, par exemple, haut et fort, l'impossibilité qu'il ressent à l'idée de tromper son partenaire (que celui-ci existe réellement ou demeure pour l'instant l'objet imaginaire de voeux), ou bien le plaisir qu'il éprouve à le faire à chaque nouvelle occasion qui se présente ... ?

Que je me sois mal exprimé, soit; que j'aie été lexiquement fautif, je l'accorde. Il n'empêche que votre silence me déçoit. Et je me trouve peu enclin à vous accorder une deuxième chance. L'affaire est classée, le moment du dialogue révolu. Comme tout ce qui est trop beau, la démocratie vit la petite heure de son petit rayonnement, puis s'éteint, et passe des consciences et des pratiques, presque des mémoires. Le nouvel ordre chinois approche, il assombrit déjà l'horizon. Un jour vous vous repentirez de vos silences coupables, mais il y aura déjà longtemps que je ne serai plus parmi vous ...

ÉÔS

A la fin de chaque nuit, Éôs aux doigts couleur de rose, Éôs en robe de safran, Éôs titanide, se lève de son lit brumeux, monte sur son char tiré par ses deux chevaux ailés, et s'en va apporter la lumière aux dieux et aux mortels ...
Un jour Aphrodite, furieuse de trouver Arès dans le lit d'Éôs, la condamna à de continuelles amours avec de jeunes mortels. D'abord ce fut Orion, le chasseur géant, qu'elle séduit, ensuite Céphale fut par elle ravi, puis venait Clitos ...
Enfin Éôs fit la conquête de Ganymède et Tithonos, princes troyens. Lorsque Zeus lui enleva Ganymède, qui pour sa beauté il voulait comme échanson, elle lui demanda de conférer l'immortalité à Tithonos, ce à quoi il consentit. Mais elle oublia de demander pour lui la jeunesse éternelle, et il devint de jour en jour plus vieux. Sa voix se fit chevrotante et Éôs, fatiguée de s'occuper de lui comme d'un enfant, l'enferma dans sa chambre à coucher, où il devint cigale. (source: Robert Bridges, Les Mythes grecs)

Or, cette Éôs des Grecs, chez les Romains on l'appella "Aurora", ce qui est devenu chez nous "Zazou" (eh oui, les mythes sont parfois difficiles à suivre!) Ses doigts sont assurément toujours couleur de rose, ses robes de safran (cela se peut), mais on y trouve désormais (sans doute) des bijoux de sa propre création. Son char à deux chevaux a fait place à une Clio (pour rester bien dans les mythes grecs), et les reflets qui brillent dans ses cheveux (récemment coupés) apportent toujours la lumière aux dieux et aux mortels. Elle se fatigue encore, hélas! à s'occuper d'enfants, mais c'est désormais des mômes authentiques, et qui ne risquent guère de se transformer en cigales. Quant à "ses continuelles amours avec de jeunes mortels" ... Eh ben, là je ne saurais vous dire, et de toute façon, ça ne nous concerne pas: nous vivons en république, où mêmes les immortels ont droit à une vie privée.

De quel mythographe tiendrais-je tout ceci, je vous entends demander. Simple, c'est elle-même qui l'écrit, au jour le jour, de ce jour dont elle constitue la prémice quotidienne (même si elle semble avoir parfois du mal à se lever avant que revienne la nuit ...)


[Ce fut un vingt-quatre février.]

Contrainte: généalogie et répétition

Ils obéirent, à une époque du droit divin des rois, à la volonté royale, et c’en fut un.

Ils se guidèrent, à une époque de superstition, aux affirmations d’une cartomancienne, et c’en fut un autre.

Ils répondirent, à une époque de pénurie, aux sollicitations de plus fortunés, et c’en fut un autre.

Ils se dirent, à une époque d’austérité, allez, distrayons-nous un peu, et c’en fut un autre.

Ils se laissèrent abuser, à une époque d’ignorance, par des remèdes de bonne femme chuchotés par des amis, et c’en fut un autre.

Ils craignirent, sous des bombardements, de vivre leur dernière heure, et c’en fut un autre.

Ils s’imaginèrent, à une époque de crédulité, vraiment amoureux et pour toujours, et c’en fut un autre.

Ils crurent, à une époque de révolte, derrière des barricades, enfanter un nouveau monde, mais ce ne fut, hélas ! que moi.


[Cela fut ajouté un 12 février, mais son écriture remontait quelques années plus loin.]

That turtle could be a rock

Il se peut que cette tortue-là
Soit un rocher
Déguisé
Et qui trompe tout le monde
Seuls les indiens savent distinguer
Ils sont si intelligents
Ils touchent la terre et la regardent bouger
Cela est excitant
Cela m'excite
Cela me donne envie
D'être ailleurs
De penser
Comme quelqu'un d'autre
Au lieu de gueuler
Du fond de ce puits

(Hugo Largo)



[Ce fut le jour suivant. Comme vous l'aurez compris, il s'agit d'une traduction de chanson.]

Sa robe est ouverte sur le paradis

Son front est pur mais sa main n'est pas blanche



[C'était deux jours plus tard, et une citation d'Aragon.]

jeudi, mars 09, 2006

$ K ........ PeN$e à ToI $

Mais surtout à son Taz ...



[Là, c'était ailleurs, c'était autrefois. Un mois de février avait atteint sa quatrième journée.]

vendredi, mars 03, 2006

Ceci n'est pas un blog

Je n'ai nullement l'intention de tenir un blog.

Je ne me mettrai pas en quatre jour après jour pour rédiger des notes qui se veuillent dignes de votre intérêt.

Je l'ai déjà suffisament dit. Voilà que je me répète.

Les yeux vous trompent. Ceci n'est pas une note.

C'est un éléphant.

(Ou bien une pipe, si vous y tenez.)